Amélioration d’une guitare électrique

Written by Sebastien Lambot on . Posted in Articles techniques, Electronique

Ma fidèle stratocaster s’est retrouvée récemment sur la table de billard pour une autopsie et un lifting intégral. L’objectif était de comprendre comment elle fonctionne et de voir si je pouvais lui donner une seconde jeunesse.

Je possède depuis quelques années une guitare électrique bas-de-gamme de type Stratocaster, achetée environ 125 euros à l’époque. Le son produit a toujours été moyen et parasité, et avec l’âge, les extinctions de voix sont devenues fréquentes.

Un entretien chez un luthier n’étant pas envisageable pour une guitare de ce budget, j’ai décidé de jouer à l’apprenti docteur et de lui offrir moi-même une cure de jouvence. Amis électroniciens, sortez vos fers à souder! Amis puristes de la guitare, vous ferez peut-être une crise cardiaque en lisant cet article.

Une guitare électromagnétique

Le principe de fonctionnement d’une guitare électrique, ou pour être correct, d’une guitare électro-magnétique, se base sur le faible courant généré par les micros, qui sera ensuite traité par un amplificateur et divers effets avant de sortir sur des hauts-parleurs. Les micros à simple bobinage (single coil pickup), sont constitués d’une bobine en fil de cuivre dans laquelle sont placés des tiges aimantées dont une des extrémités est apparente. La vibration d’une corde, aimantée par effet de proximité, fait varier le champ magnétique de l’aimant, ce qui a pour effet de créer un courant induit dans la bobine. Ce courant passe ensuite au travers de différents composants électroniques pour arriver au jack de sortie. Il existe aussi des micros à plusieurs bobinages (humbucker, etc.) mais je ne les aborderai pas ici, si vous voulez tout connaître des micros, je vous invite à lire l’article de buildyourguitar qui couvre de manière très complète les aspects électroniques des micros.

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Dissection

Pour accéder aux entrailles, détendez toutes les cordes et retirez-les, dévissez ensuite la plaque (pickguard) et si comme moi vous avez une guitare « budget », vous tomberez nez-à-nez avec un spaghetti monstrueux, des soudures faites avec les pieds, et un bois travaillé à l’arrache (qui ressemble plus à de l’aggloméré qu’à du massif). Je n’ai malheureusement pas de photo mais je me suis empressé de noter le schéma (pour la forme) et de dessouder chaque composant.

Mise en cage

Les parasites présents dans le son de votre guitare proviennent de sources extérieures, et prennent la forme d’un bourdonnement à 50Hz (celui qu’on entend près des panneaux électriques) lorsque vous ne touchez pas les cordes.
Pour contrer ces effets néfastes, j’utilise le principe de la cage de Faraday (et pas « farfadet ») qui consiste à placer les composants sensibles dans une enveloppe de protection conductrice.

Le matériel nécessaire se trouve dans n’importe quelle cuisine: les feuilles d’aluminium avec lesquelles vous emballez vos tartines vont trouver un nouvel usage!
J’ai d’abord appliqué de la colle (avec un roller) sur la face intérieure du pickguard, j’y ai déposé la feuille d’alu dont j’ai découpé les contours à la lame et j’ai nettoyé les divers trous de la plaque.

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J’ai également tapissé l’intérieur du corps de la guitare avec l’aluminium et de la colle forte (loctite gel) et j’ai utilisé du tape isolant pour maintenir ensemble les différentes feuilles d’aluminium et isoler les endroits où un court-circuit pourrait avoir lieu.

Electrocution

Après avoir analysé le schéma électronique, j’ai cherché sur le net les différentes variantes et mon choix s’est finalement porté sur celui proposé par Bare Knuckle Pickups car il est simple, ne nécessite pas de matériel supplémentaire (dans un premier temps), permet des règlages de tone sur chaque position et permet une annulation du bruit sur les positions 2 et 4 du sélecteur (expliqué plus loin).

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En observant le schéma, on peut rapidement comprendre le fonctionnement des divers composants. Le contrôle du volume se fait grâce à un diviseur de tension qui, lorsque le volume est sur « 0 », court-circuite la sortie Jack avec la masse.
Les « tones » quand à eux, sont simplement des filtres RC série placés en parallèle avec le diviseur de tension, ce qui revient à créer un effet de filtre passe-bas dont la fréquence de coupure dépend du potentiomètre. En mettant le potentiomètre sur « 0 », le filtre sera activé à son maximum, bloquant les hautes fréquences (harmoniques) et ne laissant passer que les basses.

Sélection des composants

Avec des micros simple bobinage, il est recommandé d’utiliser des potentiomètres de 250kOhms. Pas de bol, les miens sont des 500kOhms, le mieux aurait été d’en acheter des nouveaux, et de préférence des logarithmiques. En effet, leur logarithmie permet au son de correspondre à la courbe de sensibilité de l’oreille, ce qui donne l’impression d’une évolution constante du volume lorsque vous tournez le bouton.

antilog

Encore pas de bol, mes potards ne sont pas logarithmiques, ni même linéaires, ils sont anti-logarithmiques! Ce qui veut dire que le volume augmentera fortement entre le ‘1’ et le ‘5’ (approximativement), et le passage du ‘6’ au ’10’ ne fera pas une grande différence. En soi, ce problème ne me dérange pas plus que ça, je ferai avec.
Une test rapide de mes potards me confirme que ce sont bien des bas-de-gamme, la valeur mesurée de leur résistance interne est parfois loin de la valeur affichée: jusqu’à 460kOhms pour un potard estampillé 500kOhms nous donne une erreur d’un peu moins de 10%.
Ce n’est malheureusement pas leur seul problème, ils souffrent également du phénomène de « craquement ». Le potentiomètre est composé d’un balai conducteur se déplaçant sur une piste en carbone, et lorsque cette piste est usée, les craquements ou coupures commencent à parasiter le son. Ce phénomène est très courant sur les vieux amplis et ne peut être corrigé que par le remplacement de la pièce.

Pour arriver à une résistance de 250kOhms, j’ai placé sur chaque potentiomètre une résistance en parallèle permettant de diminuer sa valeur au détriment d’un effet antilog accentué. La résistance équivalente Re est trouvée grâce à la formule Re=(R1*R2)/(R1+R2) où R1 est la résistance interne mesurée du potard et R2 est la résistance à ajouter en parallèle pour avoir une résistance équivalente maximum de 250kOhms.

Sur le schéma ci-dessous, la R idéale représente un potard linéaire de 500kOhms avec une R de 500kOhms en parallèle, ce qui le rend antilog. J’ai règlé les R additionnelles des 3 potards pour que les courbes s’ajustent à la R idéale (ici les valeurs sont correctes pour Re1 et Re2 mais pas pour Re3).

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J’ai aussi remplacé le condensateur du filtre (0.033 microFarads) par un condensateur céramiqe de 0.022 microFarads. Il est composé de trois condensateurs mis en parallèle (les capacités s’additionnent dans ce cas) car je n’en avais pas et que j’ai fait avec ce que j’avais sous la main (2 capas 103 et 1 capa 222).

Au final, le schéma est devenu le suivant:

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Quelques remarques concernant le schéma:

  • Le micro middle est un RWRP (reverse winding, reverse polarity), il est bobiné à l’envers et son aimant est inversé. Lorsqu’il est combiné avec un autre micro normal (en série), les signaux produits par les cordes s’additionnent tandis que les signaux parasites s’annulent. Ce qui donne un son bien rond et débarassé de parasites, un peu à la manière des humbuckers.
  • Le sélecteur 5 voies (5-way selector switch) n’est pas le même que celui fourni par Fender, même si son fonctionnement est identique. Il est divisé en 2 parties: la sélection du ou des micros et la sélection du ou des tones. Selon sa position, il connecte la broche X à A, A+B, B, B+C, ou C.
  • Les parties bleues sont les composants que j’ai ajoutés afin de corriger les valeurs pour ma guitare. Sur une autre guitare, ces valeurs sont à recalculer.
  • La partie verte représente un « treble bleed ». Ce petit ajout permet, lorsque l’on diminue le volume, de moins atténuer les hautes fréquences et donc de conserver des aigus à un faible volume. Je l’ai mis pour information mais je ne l’ai pas intégré à mon montage.

Ca va souder…

Il est temps maintenant de souder tout ça de manière propre. commencez par placer les composants sur le pickguard.
Pour encore diminuer les parasites, j’ai torsadé les fils de mes micros. J’ai repris cette technique des cables UTP utilisés pour les réseaux informatiques.
J’ai remplacé les fils d’origine par des câbles audio qui ont l’avantage d’être plus gros et dont je suis sûr de la qualité.
Les points de masse (fils noirs) sont rassemblés sur la coque du potard de volume et sont au nombre de 7: 3 pour les micros, 2 pour les potards de tone, 1 pour le Jack, et le dernier pour les ressorts situés au dos de la guitare.

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Vérifiez bien vos soudures avec un multimètre avant de remonter la plaque.

Une fois le pickguard remis en place, j’ai pris une de mes anciennes cordes pour tester les micros. Tout fonctionnait sauf le bouton de volume. Après quelques investigations, j’ai identifié que le coupable était le potentiomètre. La fin de sa piste en carbone était coupée, ce qui fait que le diviseur de tension, n’étant plus relié à la masse, ne jouait plus son rôle et laissait le volume à son maximum. Après une réparation « maison » et un remontage suivi d’un test concluant, j’ai mis des nouvelles cordes.

Derniers règlages

Pour effectuer mes derniers règlages, je me suis basé sur le guide présent sur audiofanzine.com .

Avant d’accorder la guitare, j’ai règlé la hauteur des pontets (ou saddle) du bridge afin que les cordes soient à bonne distance du manche et ne frisent pas. La longueur des pontets doit être règlée pour faire correspondre l’harmonique en 12ème case à la note de la corde. Ce dernier règlage, un peu plus compliqué, nécessite d’avoir une bonne oreille et un manche bien droit.

Viens ensuite le règlage de la hauteur des micros. Trop proches, ils produiront un son saturé, trop loin, ils produiront un son faible. J’ai choisi de prendre comme référence, lorsque la corde est frettée en 12ème case, une distance bas de la corde/haut du micro de 2.7 mm pour le Mi grave et de 3.1 mm pour le Mi aigu.

Test final

Après toutes ces opérations, j’ai enfin pu faire chanter ma guitare. Et quel étonnement! En plus d’un son clair et agréable, les harmoniques sont bien présentes. Les potentiomètres craquent encore mais je m’y attendais.

Avec cette configuration, j’ai l’impression de jouer sur une nouvelle guitare. Et même si ses composants ne sont pas de bonne facture, et qu’on est encore loin de la qualité d’une Fender dépassant les 1.000 euros, le son est très appréciable et influence positivement le confort de jeu.

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